Critique d’Apnée de
Jean-Christophe Meurisse
Imaginons-nous une minute en 2050
: les lycéens que nous sommes, sont mariés et même (soyons fous) parents. Si un
enfant nous demande de raconter 2016 ou de montrer un film qui illustre notre
société, que répondrions-nous ? « Oh, c’était une vie difficile et
déprimante, tiens, regarde La Loi du
Marché, tu verras ». Ou alors de manière un peu plus positive
« On travaillait beaucoup, mais certains étaient là pour nous aider,
tiens, regarde l’excellent Toni
Erdmann ! ». Ou non, notre choix pourrait s’arrêter plutôt sur un
film passé inaperçu, qui présente notre société dans toute son absurde
splendeur ! Alors il faut prendre grand sa respiration et on plonge dans Apnée de Jean-Christophe Meurisse. On
nous y dépeint notre mode de vie, nos mœurs, nos habitudes, et enfin nous
pouvons rire !
Trois amoureux, Maxence, Thomas
et Céline (ouais, un trouple quoi) ont un projet pour l’avenir : entrer
dans la « norme ». Bon, ils décident d’abord de se marier. Ah zut, en
2016 on ne peut pas se marier à trois. Un appart alors ? 2016, c’est vivre
dans un taudis (c’est le mot) à mille euros par mois où « tout est à
imaginer », mais pour y vivre il faut gagner trois fois le loyer. Et pour
avoir un travail, allons à Pôle Emploi où on nous apprendra à dire bonjour ou à
ne pas avoir les mains moites. Et pour monter sa boîte, on peut essayer
« La banque qui vous écoute », mais qui n’écoute pas trop quand même…
Jouer avec la naïveté de trois
marginaux, avec leur premier degré (enfin à ce niveau c’est peut-être même du
degré 0,5) cherchant leur passé en ruine, cherchant une famille, cherchant à faire partie d’une société aux
portes plus qu’étanches : voilà la recette de Meurisse pour croquer l’arrière-plan
social et politique en France. Ce qu’il faut finalement pour ses trois
utopistes, c’est un certain cynisme. Car rien n’est mieux que de vivre en
Diogène, reclus dans un village, de décrocher de sa croix Jésus, sanguinolent, pour qui il est difficile de marcher après avoir passé 2000 sans avancer (chacun y
lira ce qu’il voudra…), et rien n’est mieux que de transformer un facteur en
Bacchus. C’est comme cela que l’on fait des rencontres incroyables : une
autruche dans un supermarché vide, un prêtre en guenilles, des invités fous
pour un mariage fou. C’est comme cela que l’on se rend compte que la vie
normale ne vaut pas la peine d’être vécue, parce que justement on ne vit pas
pleinement.
Alors ce film est un mélange de
candeur, de désillusion, mais aussi d’allégresse. 2016 c’était comme ça, et
s’il faut retenir une chose (difficile à choisir) dans ce film, c’est un
message pour 2017 : « Soyons réalistes, demandons
l’impossible ! »
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