Au Lycée Rodin, le lundi 2 novembre 2020
Compte rendu de la séance de Cinéma-Audiovisuel avec Rob, compositeur de musique de film
Rob (Robin Coudert) est compositeur de musique de film, notamment de la série très connue Le bureau des légendes.
I. Son parcours :
Quand il était petit, il a appris à jouer de la trompette. Il n'a pas fait de conservatoire* ni d'école de musique. Il joue du hard rock, de la funk... et a été membre du groupe Phœnix (au clavier). C'était les débuts de la French Touch (Daft Punk...), et un label lui a donné de grosses sommes d'argent pour composer des albums. Il en a sorti (dont Don't Kill), a fait des concerts, de la scène, mais ça n'a pas très bien marché. Rob explique cela parce qu'il faisait de la musique instrumentale, avec des synthés et beaucoup de réverb, des chorales par moment. Ses musiques « étranges » n'ont pas marché à la radio, ni dans les concerts. En parallèle, Rob a fait les Beaux-Arts, et voulu devenir peintre. Il a rencontré Maria Larrea (devenue son épouse), qui faisait des études de cinéma à la fac et qui lui a fait découvrir le métier de compositeur de musique de film : les musiques de Rob sont étranges, évocatrices, sentimentales, exactement ce que le cinéma demande. Rob a composé pour un film d'auteur (franco-allemand), puis pour un film d'horreur. C'est un grand écart émotionnel, et on lui a proposé tout ce qu'il y a entre les deux.
*Après réflexion, Rob trouve que le Conservatoire (qui a ouvert un parcours spécial musique de film), forme des personnes, comme s'il y avait de la musique savante et les autres. De plus, il trouve que cela limite la créativité.
II. Son métier :
* Les relations avec le cinéma :
Rob veut apporter au film quelque chose de très personnel qui n'est pas écrit dans le script, et qui n'est pas montré à l'écran. Il veut apporter une deuxième profondeur au film. Les trois piliers d'un film sont :
– le réalisateur (c'est un peu le « chef », le « dieu tout puissant »)
– le producteur
– le compositeur (« le troisème auteur du film », qui apporte une touche artistique)
C'est le choix du réalisateur de prendre une musique simple ou mémorable pour son film. Selon Rob, une bonne musique de film, c'est quand il y a un bonne relation entre les artistes, une alliance entre le compositeur et le réalisateur (qui est souvent effrayé par la musique car quelquefois il n'y connaît rien).
Dans la musique de film, il y a trois catégories :
– la musique originale : le compositeur écrit les musiques pour le film (comme Rob)
– les morceaux : le producteur achète les droits des musiques et les met dans son film (comme Tarantino)
– la musique intradiégétique : les musiques que l'on entend de manière directe dans le film (exemples : lorsqu'un personnage écoute une musique à la radio, lorsque les personnages passent devant un orchestre...).
Les compositeurs de musique de film ont principalement deux manières de travailler :
– soit ils ont un rôle dans l'écriture du film, car ils ont une relation privilégiée avec le réalisateur (comme Rob et Rebecca Zlotowski, dont il a écrit toutes les musiques de film)
– soit, « à l'américaine », le film est déjà tourné et monté comme au cinéma, les musiques sont brouillonnes, et les compositeurs doivent composer en imitant ces musiques.
Pour déterminer la musique utilisée dans le film, les compositeurs doivent :
– comprendre le film, les personnages et le jeu des acteurs
– faire attention au rythme, du film comme du plan
Le superviseur musical (qui cherche la meilleure musique possible pour un film) l'aide à rentrer en contact avec les réalisateurs et producteurs. Rob pense que les films fonctionnent par tendances, par modes. Par exemple, dans les années 70, c'était l'heure de la comédie, comme celles avec Louis de Funès, et les musiques de film de Vladimir Cosma.
Traditionnellement, la musique de film est une musique symphonique.
* Comment Rob compose-t-il ?
Tout d'abord, soulignons que Rob compose seul. Il a fait un film avec un autre compositeur et le résultat ne lui a pas plu, il ne retrouvait pas « sa » musique. D'habitude, Rob utilise de la musique 100% électronique, mais il a aussi composé pour un orchestre symphonique avec 60 musiciens, pour le film Planétarium (2016) de Rebecca Zlotowski. Rob a un studio à Paris, où il possède tout le matériel pour pouvoir écouter, composer et enregistrer. Il utilise des logiciels de montage comme Pro Tools, Ableton Live, Logic Pro. Il utilise des banques de sons, avec des voix, des synthé, des pianos... Comme il ne sait quasiment pas lire les partitions, il a appris grâce à son ordinateur, qu'il transporte partout avec lui. Pour composer, il a besoin d'improviser, d'expérimenter : il ne peut pas écrire tout simplement une partition et imaginer le résultat. Il adore les synthés : « la palette est aussi diversifiée sur un synthé que dans un orchestre ». Notons qu'il est parfois difficile de comprendre ce que veut le réalisateur : par exemple, Rob a dû traduire en musique les paroles de Rebecca Zlotowski : « Je veux de l'acier et du cuir ».
* Comment naît une idée ?
Rob nous a montré qu'à partir d'une idée survenue lorsqu'il faisait du vélo, il a composé tout un thème. Il nous a fait écouter l'enregistrement fait grâce au dictaphone de son téléphone. On l'a entendu chantonner, et même faire un rythme de percussions. Après, il nous a fait écouter le morceau que ça a donné, après avoir travaillé dessus. En effet, nous reconnaissions les notes, ainsi que le rythme des percussions. Rob doit faire des démos, ce sont des maquettes, des versions préparatoires et temporaires de musiques, pour pouvoir les proposer au réalisateur.
III. Ses œuvres :
Nous avons pu voir plusieurs extraits de films dont Rob a composé la musique :
Gretel & Hansel d'Osgood Perkins (2020), notes sur la musique : mélange de dégoût et d'attraction
Le Bureau des légendes d'Éric Rochant (depuis 2015), notes sur la musique : répétitions/boucles au violoncelle → mélange hypnotique et incompréhensible
Papicha de Mounia Meddour (2019), notes sur la musique : musique orientale (samples de violons), bruissements des tissus, rapport à la mort, au divin, un peu oppréssant (nous sommes collés à un cadavre) mais c'est un beau recueillement.
Revage de Teddy Grennan (2019), notes sur le film : « c'est le film qui a lancé ceux à tendance féministes gore », musique qui participe à la mise en scène car elle épouse les sentiments du spectateur : la musique et l'audience ne font qu'un, c'est un procédé qui se retrouve souvent dans le cinéma d'horreur (qui est un cinéma de sensations).
Rob nous conseille le film Grand Central de Rebecca Zlotowski (2013), une histoire d'amour dans une centrale nucléaire. La musique y est un peu préhistorique, comme des hommes de cro-magnon : Rob a voulu donner une autre profondeur au film, pour que l'on fasse abstraction de la modernité, et que l'on se concentre sur les sentiments humains.
Rob a été nommé aux Césars pour Populaire de Régis Roinsard (2012), avec Romain Duris. Pour ce film, il a travaillé avec Emmanuel d'Orlando, un autre compositeur. Il n'a pas apprécié l'expérience, c'est pourquoi il travaille seul.
Merci à Rob ainsi qu'à Mme Lemeunier de nous avoir permis de rencontrer Rob et de découvrir le métier de compositeur de musique de film !
Compte-rendu rédigé par Ariane TROUDE
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