Voici des photogrammes extraits des courts métrages réalisés par des élèves de Seconde, Antoine, Sacha et Naël, sur le thème du personnage :
jeudi 1 juillet 2021
Films d'élèves de Seconde de l'option cinéma
mardi 15 juin 2021
Critiques de films d'Albert Dupontel par les élèves de Terminale
Bernie ou la folie selon Dupontel
Bernie
est un film d’Albert Dupontel sorti le 27 novembre 1996. Ce film nous raconte
l'histoire de Bernie Noël, un homme complètement marginal vis-à-vis du monde
qui l'entoure et décidant de quitter son orphelinat pour avoir des explications
sur les raisons de son abandon, abandon sur lequel il n'a eu jusqu'alors aucune
explication. Il remonte donc les pistes petit à petit jusqu'à finalement
retrouver son père, puis sa mère, mais tout ne se passe alors pas comme prévu.
La construction du film, pour commencer, est très intéressante, car le
personnage de Bernie et le spectateur sont en décalage : Bernie vit dans
son monde, un monde dans lequel ses parents sont absolument parfaits, surtout
son père, tandis que le spectateur découvre toutes les atrocités commises par
celui ci, dont un viol que Bernie ne verra pas, continuant donc d'imaginer son
père comme parfait. Le spectateur comprend alors que Bernie est très sûrement
un enfant issu d'une relation non consentie par sa mère, ce qui expliquerait
l'abandon de l'enfant, même si celui-ci est jeté aux ordures par le père et non
la mère. Du début à la fin, le spectateur n'aura jamais la même vision que
Bernie sur les événements, ce qui a tendance à créer une ambiance très malsaine
par moments qui ne plaira pas à tout le monde.
Le film n'est pour autant pas dénué de comique. Il arrive même très
souvent que le comportement de Bernie, complètement en décalage avec le monde,
donne lieu à des situations très ridicules et qui font mouche. Il se dégage
également du film une ambiance très "PUNK" qui se retrouve
particulièrement dans la musique du film, un choix assez logique voire un peu
attendu pour montrer le personnage le plus "borderline" possible,
mais qui arrive quand même à fonctionner la plupart du temps.
Bernie
est, dans sa globalité, plutôt bien réalisé, mais lorsque l'on est habitué au
cinéma d’Albert Dupontel plus récent avec des films comme 9 mois ferme, Adieu
les cons ou encore Au revoir là-haut, ce retour en arrière dans
l’œuvre peut donner l’impression d’une sacré chute, en dépit du charme du film
lié à son ambiance très années 90.
Ce film de Dupontel marque quand même un moment important de sa
carrière, un moment où son cinéma était plus "méchant", entouré de
personnages plus fous les uns que les autres, que ça soit Bernie et ses
parents, ou même les policiers à la fin du film dont un se dit que c'est une
bonne idée d'aller le voir. Les personnages se moquent de Bernie, car celui-ci
a probablement quelques retards mentaux, mais le film nous montre que les
autres personnages ne sont pas forcément mieux, principalement le père qui est
probablement un des personnages les plus atroces que j'aie pu voir dans le
cinéma français. Bernie est donc un film très "borderline"
typique de son époque, comme pouvait l'être C'est arrivé près de chez vous
en 1992.
Milo
Guilleux-Gaudin
*****
Bernie : quand le malsain devient comique
Bernie, sorti en 1996, est un film d'Albert Dupontel où il joue lui-même le
personnage principal, en quête d'identité. La thématique de la recherche
identitaire existe également dans d'autres de ses films (comme Au revoir
là-haut ou Adieu les cons). Cependant, celui-ci adopte un humour
assez particulier, avec des personnages dérangés et une atmosphère malsaine.
Comment ce mélange, aussi improbable soit-il, fonctionne-t-il plutôt bien ?
Tout d'abord, il est intéressant de souligner
la nature innocente qui se dégage du film, notamment de par son générique, avec
sa calligraphie enfantine et ses chants pour enfants, qui représentent bien le
personnage principal, Bernie. A pourtant plus de trente ans, Bernie est encore
un enfant. Son but principal est de retrouver ses parents, qu'il va idéaliser
tout le long du film, en quête d'affection. On remarque cependant que Bernie
est un rejeté de la société, il essaie pourtant tant bien que mal de s'y
adapter (appartement, famille, petite amie...) et n'y arrive à chaque fois qu'avec
l'aide de l'argent. Le film montre en partie la perversion de la société avec
la drogue, les médias, l'argent, la prostitution... et met en place un
contraste flagrant avec l'innocence de Bernie. Il ne se rend pas compte de la
médiocrité du monde qui l'entoure, il n'a aucune notion du bien et du mal et,
tout comme un enfant, il ne sait pas contrôler sa force, ce qui fait de lui un
personnage extrêmement violent. D'ailleurs la violence est omniprésente dans le
film, à tel point qu’elle n'est plus dérangeante pour le spectateur, et devient
même parfois drôle. Les acteurs jouant très bien leur rôle, les personnages
rendent le film très malaisant par leur folie et leur imprévisibilité. La
figure parentale n'est d'ailleurs pas du tout placée sur un piédestal, et nous
sommes presque déçus d'apprendre que les parents de Bernie sont des ordures,
ayant abandonné leur fils dans une poubelle. Ils ne font que simuler leur amour
pour Bernie pendant l'entièreté du film, sa mère ne se souvenant même plus de
son prénom au début.
Cette déception face à la figure parentale,
qui est pourtant censée être une source d'amour et de réconfort fiable, rend le
monde encore plus triste et "pourri". D'ailleurs, nous pouvons
remarquer que les lumières et couleurs du film sont en général assez fades, et
que des filtres verdâtres et jaunâtres y sont parfois ajoutés, ce qui accentue
le côté "sale" et maussade du film, de son monde et de ses
personnages. On en vient alors à avoir de la peine pour Bernie, mais
l'absurdité des personnages, de leur violence, dialogues et décisions nous
amène à un entre-deux entre le malsain et le drôle, voire à un mélange des
deux. Cependant, le personnage de Marion, joué par Claude Perron, est un
personnage très intéressant, puisque Marion est elle aussi marginalisée. Comme
les seules émotions qu’elle exprime au cours du film sont la colère et le
dégoût, on comprend facilement son addiction à la drogue qui constitue un moyen
pour elle d'échapper à la réalité, en attendant une sorte de miracle. Elle
représente une lueur d'espoir dans le film, car elle est le seul personnage
témoignant de l'affection à Bernie à la fin du film. Elle incarne une tendresse
absente jusqu’alors. On peut aussi citer une de ses répliques : "j'en ai
ras-le-bol du moche, du médiocre, du sordide". Marion est une porte de
sortie de ce monde triste et violent, pour Bernie et pour le spectateur. Elle
est la seule qui ne l'accepte pas.
Enfin, même si, pour moi, la dimension
malsaine l'a emporté sur le comique, j'ai trouvé le scénario très intéressant
et intelligent, avec des personnages qui sortent de l'ordinaire. N'ayant vu que
deux de ses films, je ne m'attendais pas à ce côté très décalé et cru, de la
part de Dupontel, ce qui m'a surprise. Je ne reverrai cependant pas le film car
je trouve l'ambiance un peu trop pesante pour moi, et je comprends donc que les
réactions du public aient pu être aussi mitigées à sa sortie.
ENFERMES DEHORS, un film réalisé par Albert Dupontel en 2006
INTÉRESSANT SUR PLUSIEURS POINTS
Le film nous raconte l'histoire d'un SDF nommé Roland
(joué par Albert Dupontel) qui se trouve être un peu zinzin et drogué. Une
nuit, il assiste au suicide d'un policier et récupère ses affaires pour aller
les donner à la police, mais il se fait recaler au commissariat et en sortant,
il remarque la cantine. Il s'empresse donc d'aller enfiler son uniforme de
policier et de se raser la tête, et arrive ainsi à rentrer et à manger à sa faim.
C’est alors qu’il entend l'histoire d'une mère, Marie (jouée par Claude
Perron), qui veut récupérer son enfant que ses beaux-parents gardent contre
son gré. Touché par l'histoire ainsi que par la beauté de cette femme, Roland
décide de l'aider. De plus, parce qu’il sent que cette tenue de policier lui
donne un certain pouvoir vis-à-vis des autres individus, il décide de la garder
et de donner, d'une certaine façon, « un coup de main » à la police
comme il le dit. Dès lors, son objectif est de retrouver un certain Duval qu’il
va confondre avec un homme d'affaires (joué par Nicolas Marié) et ce
quiproquo initial va amener plusieurs péripéties au cours du film.
Tout d'abord, j'ai apprécié le film et ce, pour plusieurs raisons. La première tient à l'histoire principale qui est le fil conducteur du film : il s’agit de retrouver Coquelicot, la fille de Marie détenue par ses beaux-parents, qui voient en elle une femme excentrique qui a joué dans des films « très naturistes ». Mais dans cette opposition entre elle et ses beaux-parents, c’est bien Marie qui passe pour la personne la plus saine, même si elle travaille dans un sex-shop, car elle souhaite juste passer du temps avec sa fille, alors que sa grand-mère est prête à tout pour la garder, y compris la mettre en danger en l’emmenant sur un toit.
De plus, j'apprécie la critique sociale qui est
vraiment évidente dans cette œuvre qui mêle des SDF, des policiers et de hauts
fonctionnaires, car même si cela n'est pas le cœur du film, c'est important.
Ainsi, certains SDF disent à Roland qu'ils ne font plus partie de cette société,
ou que le maire ne veut pas qu'ils aillent en ville, ou même, d'une façon plus
comique encore, tous les SDF se retrouvent dans la chambre du grand directeur
et celui-ci est à deux doigts de faire une crise cardiaque. De plus on retrouve,
comme dans Adieu les cons et d’autres films d’Albert Dupontel, une
critique de la police, comme lors de l’arrivée au commissariat de Roland pour
la première fois, lorsqu’il se fait mettre dehors.
J’apprécie également le développement des personnages,
tout particulièrement celui de monsieur Duval, le grand PDG, car en l'espace d’une
journée, son caractère a complètement changé : tout d'abord montré comme
quelqu'un avec de l'assurance qui a réussi sa vie, puis paniqué lorsqu’il se
retrouve confronté au grand directeur. Après son enlèvement, cette sorte de
traumatisme qu'il a subi et cette confrontation avec les sans-abris, puis la
trahison de son frère, le changent complètement : désormais, il souhaite
juste faire le bien autour de lui et ne plus avoir de responsabilités. De même,
le personnage de Roland, présenté dès le tout début comme un personnage sans
réel objectif, dont on ignore tout, connaît un développement intéressant :
en enfilant ce costume de policier, il trouve un sens dans sa vie, rencontre aussi
l'amour et réussit, alors que jusqu’alors il n’avait fait qu’échouer, et c'est cette lueur d'espoir qui donne
une nouvelle direction à sa vie.
Ensuite, j'aimerais bien parler de la musique que je
trouve intéressante dans ce film, car elle permet de décupler les sentiments
provoqués à l'image : par exemple, quand un des personnages prend de la
drogue, la musique accélère jusqu’à ce qu'il vomisse ; de même, quand
Roland trouve un objectif, là encore la musique accélère. Mais pour moi, le
moment où la musique est parfaitement utilisée, c'est celui où Roland va à la
cantine, car le type de musique choisi fait très musique fantastique, telle qu’on
pourrait la trouver dans Alice au pays des Merveilles : en effet, pour
Roland, avoir accès à toute cette nourriture est quelque chose de fantastique.
Enfin, l'une des choses les plus importantes du film,
c'est la comédie, parce que c'est avant tout une comédie et je trouve ce film
plus drôle qu’Adieu les cons qu'on a vu récemment en classe. Ce serait
même une meilleure version qu’Adieu les cons, car le comique de
situation, très burlesque, est drôle, ainsi que le comique verbal, par exemple
quand Roland parle à un SDF qui se prénomme Youssouf, l’acteur Bouli Lanners
joue très bien la scène et les réactions de Roland sont d’autant plus drôles.
Pour conclure, Enfermés Dehors est un bon divertissement avec des messages forts et une histoire touchante qui sont les bienvenus.
Paul Esquerré
*****
Roland gentil flic
Dès
le tout début du film, Dupontel nous présente l’environnement qui l’intéresse,
celui de ses héros. Ainsi on rencontre Roland, SDF (interprété par Dupontel
lui-même). Il vit dans l’environnement le plus pauvre, le plus sale, le plus
bas matériellement (tout objet qui l’entoure semble cassé). On peut dire qu’il
vit dans une poubelle. L’image est empreinte d’une faible couleur vert-jaune. A
partir de l’évocation de la couleur de l’image, on comprend immédiatement que
Dupontel rejette tout réalisme. Cependant, cela ne l’empêche pas de représenter
à sa manière toute la misère dans laquelle vivent ses personnages, bien au
contraire. Les lettres du premier générique brillent comme si elles étaient des
ampoules, seulement elles ont du mal à briller, et elles ne font que s’éteindre
et se rallumer. En fait, ce sont des ampoules en fin de vie qui marchent très
mal. L’environnement bassement matériel des « pauvres » où tout est
cassé est évoqué rien qu’à travers les lettres du premier générique, au début du
film. De plus, ce film s’ouvre d’emblée avec de la musique. Sans que nous
soyons des spécialistes de musique, nous reconnaissons un thème plutôt rock, où
nous entendons surtout la batterie qui donne un ton brutal à la musique. Avec
ce thème « rock », que l’on va retrouver plusieurs fois tout au long
du film, on sent que le réalisateur cherche à rendre l’ambiance hardcore. Ah,
voici le mot qu’il nous fallait. Roland vit dans une telle pauvreté, qu’il
semble tout à fait cohérent de la part de Dupontel de vouloir rendre son
esthétique hardcore, pour illustrer toute la dureté de son milieu de vie. Je
dis bien esthétique hardcore, car cela ne se résume pas à l’utilisation de la
musique rock. On a parlé d’une couleur vert-jaune, fortement présente dans
l’image. Il s’agit là d’une couleur plutôt crade, dégueulasse, qui, je crois,
aura volontairement pour but de nous faire associer cette couleur à ce qu’il
peut y avoir d’immonde. Je parle des déchets, des ordures, de l’urine. La
couleur nous fait donc dire qu’ils vivent dans la pisse, et rien que cela nous
montre déjà leurs conditions de vie comme étant dures, voire hardcore. Si c’est
surtout ce vert-jaune qui domine dans ce début de film, on voit que Roland
porte une cagoule rouge (c’est un rouge assez vif), qui crée un contraste avec
la couleur dominante. Ce rouge va prendre plus d’importance dans la suite du
film. Qu’est-ce que cette couleur est supposée représenter sur la condition de
vie des « pauvres » ? Franchement, quand on voit le nombre de
fois où le personnage principal saigne et le nombre de fois où il mord, je
crois que l’on peut rattacher ce rouge à du sang. Cela ne fait que mettre plus
en avant encore la dureté du milieu de vie de Roland et ses camarades. Quand il
y a un contraste entre ces deux couleurs, on peut donc voir qu’en fait les
« pauvres » ne vivent pas que dans la pisse. Ils vivent dans la pisse
(la saleté) et dans le sang. Comment vivre dans des conditions plus
dures ? Il y a quelque chose d’assez malin dans cette réalisation qui est
que, sans avoir recours à des images explicites, Dupontel arrive tout de même à
nous donner cette impression d’hardcore. En matière de couleurs, lorsque nous
voyons les beaux-parents de Marie chez eux, avec leur petite fille, nous
retrouvons toujours un contraste entre du jaune et du rouge. Le jaune est
cependant plus doux, tend moins vers le vert, car, bien qu’appartenant à un
milieu plutôt modeste, ils sont évidemment dans une situation beaucoup plus
confortable que celle de Roland. On aurait donc recours à la couleur pour exprimer
un degré de pauvreté : un jaune-vert dégueulasse pour les sans-abris et un
jaune un peu plus doux pour les familles modestes, ces deux couleurs entrant en
contraste avec du rouge. Cela nous rappelle esthétiquement le Seul contre
tous (1999) de Gaspar Noé, où le physique du grand-père (Roland Bertin)
évoque justement celui du boucher (Philippe Nahon) dans le film que nous venons
de citer. L’influence de Noé dans l’esthétique de Dupontel ne fait que mettre
plus en évidence la volonté du réalisateur de créer une image hardcore. Cette
influence ne nous étonne guerre quand on sait que Dupontel a joué pour Noé dans
Irréversible (2002) et quand on sait que le directeur de la photographie
d’Enfermés dehors est Benoît Debie (il n’a certes pas collaboré à Seul
contre tous, mais la photographie qu’il utilise dans les autres films de
Noé s’en rapproche beaucoup). Pour donner cette impression d’hardcore, Dupontel
ne va pas seulement jouer sur l’image, mais aussi, en bon comédien, en plus de
bien travailler son jeu, va travailler son physique. Vers la fin du film, son
amoureuse Marie (interprétée par Claude Perron), ex-actrice porno, lui dit
qu’elle ne l’embrasse pas parce que ça lui rappelle son ancien métier. Avec son
crâne rasé et sa dentition pourrie, effrayante, qui comprend des dents
pointues, Dupontel adopte le physique d’un hardeur. Il ressemble à un acteur
porno qui a pu jouer dans les productions X françaises les plus hardcore des
années 2000. Si son personnage a un physique pornographique, il est alors naturel
que ce dernier tombe amoureux d’une ex-actrice porno. Je dirais qu’il y a dans
ce film toute une réflexion intéressante autour du cinéma X. Il ne s’agit
absolument pas de nous dire si c’est bien ou pas, mais de nous faire prendre
conscience qu’en fait les professionnels (ou même les amateurs) du X, un peu
comme les sans-abris, sont marginalisés par la société et les institutions.
Cette marginalisation est très bien montrée dans le film, puisque sont dans le
même camp les sans-abris et une femme représentative du milieu X (car n’étant
plus une hardeuse, elle reste en contact avec ce milieu en travaillant dans un
sex-shop où elle vend les films pornos les plus hards) qui ont en commun une
certaine haine à l’égard des institutions. Par son côté marginal, Dupontel
afficherait donc une certaine sympathie à l’égard du porno (comme son copain
Noé), ou plutôt à l’égard des gens qui en font. Cette sympathie montrée dans ce
film serait mêlée à une certaine douceur qui touche de près à l’amour. C’est
son amoureuse de l’époque qu’il transforme en ex-actrice X et en amoureuse
fictionnelle. De plus, privilégiant un espace géographiquement limité pour son
film, où l’on voit peu de personnages féminins, il impose Marie comme « la
plus belle fille du quartier ». Dupontel se place donc du côté des
marginaux, y compris des marginaux de l'industrie cinématographique que sont
les personnes qui travaillent dans le secteur du film X.
Le film comporte aussi une
dimension burlesque qui nous est montrée dès le tout début du film que nous
avons déjà évoqué. Roland, en plus d’avoir le visage d’un hardeur, possède
aussi celui d’un bouffon. Il saute sur un matelas, se projette de manière
exagérée contre un mur et ne meurt même pas. D’autres gestes, d’autres cascades,
toutes aussi périlleux et exagérés (on pense surtout à la scène où Roland tente
de suivre le vilain Duval-Riché) vont suivre tout au long du film. Roland va se
blesser dans certaines cascades, mais il reste indestructible. Son corps a une
certaine élasticité. En fait, il est un personnage de cartoon. Comme si
Dupontel voulait accentuer cette dimension burlesque (quand il travaille un
aspect, il essaye d’en faire le plus possible, comme nous l’avons vu avec
l’aspect hardcore), il a recours à des accélérés. Les choses que nous voyons en
accéléré sur certains plans (comme les voitures qui roulent) peuvent, dans un
sens, se compléter avec les gestes exagérés que nous retrouvons dans ce film.
On a fait un rapprochement avec le cartoon, mais il semble que Dupontel se soit
plus inspiré des maîtres (Chaplin et Keaton) pour sa dimension burlesque.
Malgré ses énormes cascades périlleuses qui nous rappellent l’acrobate Keaton,
son personnage et son univers semblent plus se rapprocher de celui de Charlot.
Roland est le héros maladroit de la (très grande) pauvreté comme a pu l’être
Charlot, il n’en est qu’une version moins douce, plus rock et plus hard. En bon
artiste, on voit que Dupontel s’est à la fois inspiré d’un maître qui
appartient cette fois-ci aux temps anciens (Chaplin) et d’un grand cinéaste
contemporain (Noé). Toute cette dimension burlesque ne fait que rendre la
situation plus absurde (c’est là le but principal de Dupontel). Absurde, au
point que l’on se demande s’il ne vaut mieux pas en rigoler. Quand Roland saute
sur un matelas au début du film, on le voit bien en train de rigoler (rire de
bouffon), alors que sa situation est déplorable. C’est le policier (sur le
corps duquel Roland va récupérer son uniforme) qui, juste avant de se suicider,
lâche son plus grand sourire. Il y a aussi certaines répliques, qui en plus de
souligner l’absurdité de la situation en elles-mêmes, nous font rire aussi
(tout le monde rigole, des personnages fictionnels aux spectateurs). Je pense à
la réplique qui m’a fait le plus rire. Lorsque Roland arrive dans la cantine
des policiers et qu’il voit qu’il a le choix entre de l’eau et de la bière, il
choisit la bière, seulement parce qu’il dit avoir bu de l’eau l’année
précédente. Je trouve cela à la fois triste et extrêmement drôle. L’absurdité
de ce film est renforcée par un aspect ridicule qui plane tout au long du film.
Mais on sent surtout le ridicule lorsque Dupontel donne un aspect de conte à
son film (après tout, il est bien écrit dans le film : « il était une
fois quelque part »). Ainsi, Cendrillon passe de servante à princesse
éblouissante avec sa robe bleue, tandis que prince Roland, enfilant son joli
petit uniforme bleu de flic, passe de sans-abri à policier. La classe. Il va
pouvoir rentrer dans le château qu’est le QG de la police. Il va y voir le plus
grand festin qu’il ait jamais vu (la nourriture que l’on retrouve
habituellement dans les cantines). Les aliments qu’il perçoit avec ses yeux
affamés dévoreurs, sont ici filmés comme les plus beaux aliments que l’on ait
vus. De plus, c’est aussi à ce moment-là que l’on entend une musique,
ridiculement enfantine, que l’on pourrait retrouver dans n’importe quelle
adaptation audiovisuelle (ou simplement audio) de conte pour enfants. Tout cela
nous semble bien ridicule. Il y a un autre passage très ridicule qui n’est pas
cette fois-ci tellement rattaché au conte. Il s’agit du moment où il aperçoit
en vrai, pour la première fois, Marie, et où il en tombe amoureux. Pour montrer
le fait qu’il tombe amoureux, Dupontel a recours à des travellings. Il y a un
premier travelling arrière sur un plan où l’on voit le visage de Roland (l’air
réjoui) qui regarde Marie. Ce travelling arrière nous montre que son regard se
porte sur Marie, et il manifeste déjà un premier intérêt. Cet intérêt se poursuit
sur le plan suivant où l’on voit Marie (du point de vue de Roland), et où il y
a un travelling avant sur elle. Travelling avant qui n’est que la continuité
logique du travelling arrière du plan précédent, qui montre que, sans
interruption, le regard de Roland continue à se porter intensément sur Marie.
De plus, le travelling avant donne une certaine intensité, comme pour montrer
que le sentiment amoureux progresse et devient plus fort chez Roland. On arrive
au plan suivant, et l’on retrouve le visage de Roland, encore plus heureux. Il
n’y a plus de travelling arrière, mais un travelling avant qui montre à quel
point regarder Marie lui fait de l’effet, comme si ça lui montait à la tête,
d’où la nécessité de rapprocher la caméra de son visage. Puis on revient au
plan sur Marie, toujours en travelling avant. La caméra continue à se
rapprocher au point qu’il y a seulement le visage de Marie dans le cadre (où
elle est de profil car elle ne regarde pas Roland). Le fait que la caméra se
soit rapprochée au point de seulement cadrer le visage de Marie illustre un
point final dans l’amour que porte Roland à Marie. Il en est tombé amoureux, en
l’espace de quelques secondes, au point d’atteindre sa propre limite. Il doit à
présent l’aimer passionnément. Malheureusement pour lui, cet amour n’est pas
réciproque, car comme nous l’avons dit, Marie ne le regarde pas. Ces
travellings sont un peu grossiers (c’est bien évidemment volontaire) et ce
passage est, de plus, accompagné par une musique d’amour tout aussi grossière, qui
sonne comme ridicule. Roland tombe amoureux d’une manière ridicule, comparable
à la manière dont Lloyd Christmas alias Jim Carrey, tombe amoureux de Mary
Swanson dans Dumb and Dumber (1994) de Peter Farelly. En bon comique,
Dupontel se moque gentiment de son personnage et le rend plus sympathique à nos
yeux. Toute cette absurdité et ce ridicule présents dans le film nous éloignent
de tout réalisme, mais en fin de compte, Dupontel nous dit que si la vie n’est
pas exactement comme dans ce film, la situation que nous connaissons
aujourd’hui dans notre monde (déplorable) est tout de même assez absurde.
Comme nous l’avons dit
précédemment, Dupontel privilégie pour son film un espace géographiquement
assez réduit. Dans cet espace assez réduit, les seuls bâtiments que nous voyons
ne sont que des bâtiments modernes. Les sans-abris, qui ne peuvent certainement
pas se loger dans ces bâtiments modernes, n’ont pas d’autre lieu où ils
pourraient potentiellement se loger, même si leur situation s’améliorait ne
serait-ce qu’un peu. Ils sont condamnés à vivre dans la rue. Autrement dit, ils
sont condamnés à rester « enfermés dehors ». Le film est drôle, mais
on retrouve tout de même un aspect dramatique, que l’on perçoit notamment à
travers ce paysage moderne. Dupontel reprend aussi la critique de cette
modernité dans son Adieu les cons.
Le film se termine sur un “FAIM”. C’est une manière amusante de nous dire que, même si la situation s’améliore un peu à la fin de son film, il serait ridicule de mettre « FIN », comme si le film se terminait sur une fin heureuse, et qu’à présent tout allait bien. Les personnages vivent toujours dans la misère, et il leur reste à faire pour sortir de la pauvreté. C’est aussi une manière de nous maintenir, nous, spectateurs, dans la réalité. Le réalisateur ne veut pas nous proposer un spectacle qui va seulement nous absorber pendant 1h30, et que l’on va « laisser de côté » une fois le mot « FIN » arrivé, pour retourner à nos occupations comme s’il ne s’était agi que d’un simple divertissement qui ne parle pas du monde qui nous entoure. Il veut nous dire que, à l’image de la situation de Roland qui reste misérable à la fin, il y a bien une misère qui nous entoure, qui n’est certainement pas finie, et que nous pouvons toujours essayer d’y remédier, malgré le fait que les choses se présentent très mal. En gros, il n’y a pas de « FIN », mais elle pourrait exister.
Le Vilain - Un film qui ne tient pas
toutes ses promesses
par Mona Tchepiega, Mai 2021
Dans la continuité d’Enfermés Dehors,
le quatrième film d’Albert Dupontel, le Vilain, est sorti en 2009. C’est
une comédie parodique et attachante qui raconte l’histoire d’un braqueur de
banque qui va trouver refuge chez sa mère, jouée par Catherine Frot. Celle-ci
se considère maudite pour avoir mis au monde ce vilain garçon, et a hâte de
trouver le salut et de monter au ciel. Maniette va alors tout mettre en œuvre
pour forcer son fils à réparer ses erreurs passées.
La mère poule est d’abord
ravie par le retour de son fils, mais en découvrant sa vraie nature, elle
initie un véritable duel entre eux, ce qui donne aux acteurs l’occasion de se
lancer pleinement dans des performances débordantes. Cependant, cet
affrontement a des ressorts très prévisibles, à force de coups bas et de pièges
tendus dans la maison. On arrive aussi à avoir des moments de solitude en
compagnie des deux personnages qui occupent tout l’espace au point où on se
désintéresse de leur relation.
On comprend d’ailleurs ce
qui motive la mère, mais on ignore pourquoi le fils surenchérit dans ce duel.
Des répétitions
embêtantes
Après un super pitch de
départ que Catherine Frot lance avec toute sa force de persuasion, l’intrigue
devient assez répétitive. Malgré certaines scènes très bien travaillées, le
début calme et logique du film est rapidement brouillé par des longueurs
(notamment la séquence du thé qui, si elle est, de fait, assez courte, n’en est
pas moins déstabilisante). Le scénario est décousu et la scène finale laisse
une sensation de fouillis parodique. Pour ce qui est de l’épilogue, on nage un
peu en pleine mièvrerie même s’il s’agit clairement d’une parodie des comédies
débordantes de bons sentiments.
De plus, on assiste à des
effets comiques un peu pesants et des running-gags qui deviennent longs. Ainsi,
les arrivées successives de personnages secondaires cassent le rythme au
détriment de l’intrigue.
Des personnages
centraux... au centre
Du côté des personnages, Catherine Frot est très bien mise en avant dans le
rôle d’une femme tendre et
perverse à la Tatie Danielle, tandis que le
personnage du fils, joué par Dupontel, malgré ses mimiques désinvoltes, ne semble
pas si vilain en soi. Sydney est bête et méchant oui, mais pas un criminel
diabolique pour autant. Dès que l’intrigue s’installe, on a de plus en plus de
mal à croire qu’il ne s’est pas assagi avec les années. Et malgré ses défauts
il n’est pas indifférent à la bonne volonté de sa mère. Les personnages
secondaires de l’inspecteur ou de l’Espagnole, eux, sont laissés de côté, ou
plutôt ils implosent dans scènes hilarantes d’absurdité, car amenées de manière
très précipitée. En effet, la galerie de seconds rôles est variée, mais tous ne
sont pas assez nourris.
Une ambiance et des
dialogues en accord
En se plaçant à mi-chemin
entre l’univers particulier d’Enfermés Dehors,
avec un humour bête et méchant, et les séquences malsaines de Bernie, le film installe une ambiance non
seulement cartoonesque par les gags, mais aussi candide qui correspond au
contexte de petit quartier de lotissement. En effet, Dupontel, qui s’attache
souvent à des personnages en marge de la société, met en scène ici des petits vieux
au rythme de vie lent. Ce mode de vie et cette atmosphère féerique sont
cependant chamboulés par l’arrivée du vilain fils Sydney. L’ambiance tourne à
un ton plus acide et des coups de feu se mettent même à résonner dans le
voisinage.
Dès le lancement de
l’intrigue, les dialogues sont excellents, de même que les scènes de comique de
situation. On assiste à des gags très Tex Avery avec la tortue Pénélope,
véritable alliée de la mère. Mais les éléments comiques se répètent un peu,
bien que les personnages ne manquent pas de ressources, car le film a un aspect
de théâtre de boulevard, avec des entrées et sorties de personnages comme au
théâtre. Par ailleurs, les tortues sautent à tout va, les horloges tombent et
il pleut des chats.
Un décor étouffant et étroit
Toutefois, l’immobilisme
causé par le quasi huis clos dans la maison devient rapidement étouffant. Les
personnages secondaires défilent mais ont du mal à s’affirmer, à l’exception
peut-être du médecin interprété par Nicolas Marié. Tout au long du film
l’accent a donc été mis sur l’aspect barré des personnages au
lieu de faire avancer l’intrigue.
La nostalgie d’un conte
Du reste, il y a une
nostalgie attachante dans les décors et les détails (par exemple la planque
dans la chambre d’enfant). La colorimétrie, les angles obliques et les plans
qui adoptent le point de vue de Pénélope la tortue évoquent Jeunet. Le grand
angle sert au comique de situation en déformant le visage des comédiens, tout
comme le slapstick (dans la course-poursuite entre le Vilain et ses
ex-complices notamment). La musique accompagne le spectateur avec justesse tout
au long du film, ajoutant un peu de suspens lorsque les quiproquos ou les
comiques de situations se mettent en place.
Il est vrai qu’une comédie est faite pour
être partagée. J’aurais été mieux à même d’apprécier les gags si j’avais été
entourée d’autres spectateurs avec qui rire. En effet, j’ai peu ri et je me
suis posée bien trop de questions. Alors vivement la réouverture prochaine des
cinémas !
jeudi 20 mai 2021
Rencontre entre Albert Dupontel et les élèves de Terminale de l'option cinéma dans le cadre du César des lycéens
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Pour rappel, le corps électoral était composé de 1 531 élèves de terminales issus de 69 classes de lycées généraux, technologiques et professionnels situés sur tout le territoire métropolitain, en Angleterre, à Mayotte et au Japon. Le César des Lycéens a été attribué suite au visionnage et à l’analyse des 5 films nommés au César du Meilleur Film 2021 par les élèves, en présence de leur professeur, avec le soutien des équipes du ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. Tout comme pour les membres de l’Académie, le vote s’est déroulé entre le 15 février et le 12 mars 2021, évitant toute influence possible entre les deux corps électoraux. Le résultat a, pour la première fois, été dévoilé lors de la 46e Cérémonie des César, le 12 mars dernier sur la scène de l’Olympia, par deux lycéens, choisis par leurs pairs, ayant pris part au dispositif. Une classe d’élèves de terminale a ainsi rencontré ce jour le cinéaste, accompagné de sa productrice, Catherine BOZORGAN, tandis que les lycéennes et lycéens n’ayant pu se rendre à Paris, ont suivi en direct par lien privé et sécurisé cette rencontre depuis leur salle de classe. Ils ont pu échanger et débattre avec Albert DUPONTEL, autour de son œuvre et du cinéma, le temps d’un riche moment de partage et de transmission. Le réalisateur poursuivra ces masterclass en allant dans les semaines et mois à venir à la rencontre d’autres classes ayant participé au vote. Le César des Lycéens traduit l'engagement de Jean-Michel BLANQUER, ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, en faveur de l'accès par tous les élèves à une éducation artistique, culturelle et sensorielle de qualité. Il enrichit les différents dispositifs d'éducation au cinéma existants : École et cinéma, Collège au cinéma, Lycéens et apprentis au cinéma, prix Jean Renoir des lycéens, etc. L’Académie des Arts et Techniques poursuivra également ce travail de transmission dans les mois à venir, en proposant aux lauréats de la 46e Cérémonie des César, de retourner dans leurs écoles, pour venir à la rencontre des nouvelles générations. Pour plus d’informations, consultez le site de l’Académie : academie-cinema.org *** Quelques photos d'élèves... | | ||
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mercredi 19 mai 2021
L'option cinéma du lycée Rodin à l'honneur sur le site des Cinémas Indépendants Parisiens
Notre option, notamment à travers le film de Noémie, est mise à l'honneur sur le site des Cinémas Indépendants Parisiens, partenaire culturel du lycée :
jeudi 6 mai 2021
Vive le cinéma !
mercredi 21 avril 2021
Critiques du film Homesick, de Koya Kamura, par les élèves de Première
Homesick ou le deuil
Homesick est la première œuvre de fiction du réalisateur franco-japonais Koya Kamura. Ce court métrage, sorti en 2019, se situe au Japon, aux alentours de Fukushima et dans sa no-go zone, deux ans après la catastrophe nucléaire. Le père du réalisateur est né à Nagasaki, deux ans avant le bombardement nucléaire, et souffrira des séquelles dues à l’exposition aux radiations toute sa vie. Le fait que ce court métrage soit le premier du réalisateur est signifiant, puisque le thème de la catastrophe nucléaire et de son impact sur les familles l’a travaillé toute sa vie.
Le personnage principal, Murai, est un
père de famille vivant seul dans un des camps pour réfugiés de la catastrophe,
en périphérie de la ville. Son travail consiste à se rendre dans la no-go zone afin d’aller y chercher des
objets, comme des photos de famille ou des jouets d’enfants, que les réfugiés
ont oubliés dans leur maison, maintenant rendue inhabitable. C’est durant ces
excursions, quasiment quotidienne, qu’il peut revoir son fils Jun, mort lors de
la catastrophe. Il revient donc inlassablement dans cette zone funeste et
dangereuse pour sa santé, afin de faire revivre, par ses souvenirs, ce fils
qu’il a perdu, le père en combinaison contre les radiations, le fils les jambes
et les bras nus.
Le court métrage oscille donc entre deux
mondes, le monde des vivants, amer et impersonnel, où les réfugiés sont
entassés dans des préfabriqués installés dans l’urgence, et le monde des morts,
du souvenir, où Murai recherche en vain à retrouver l’ancienne vie des autres
mais surtout la sienne, son fils, et peut-être sa femme.
Malgré la critique du nucléaire, cause qui tient à cœur au réalisateur, le film se concentre sur un aspect très précis de la culture japonaise qu’il essaie de développer : l’importance du deuil. Les voisins de Murai ne parlent que de cela : cette année, deux ans après la perte de nombreux proches, ils vont enfin pouvoir faire leur cérémonie de deuil. Cette action est primordiale : quand on rend les libations à un proche, on fait bien plus que l’honorer, c’est le premier pas vers l’acceptation de leur trépas, qui aboutira à la reconstruction des vivants, à la construction d’une vie sans le défunt. Sans cela, et surtout dans la culture nipponne, l’état de tristesse des vivants et de regret du défunt peut rester constant. Murai, contrairement à ses voisins du village de préfabriqué, dit au début du film qu’il n’installera pas une lanterne pour son fils lors de la cérémonie. Le personnage de Murai en devient alors intéressant, car on comprend qu’il ne veut pas faire le deuil de son fils, de sa vie antérieure : il vit dans le passé, s’accrochant à ses souvenirs et n’acceptant pas le présent.
En effet, dans sa vie au village, tout montre qu’il ne s’installe pas, il ne considère pas le présent comme ce qu’il est, mais comme une contrainte, une étape difficile avant le retour à la vie normale, à sa famille dans sa maison d’origine. Il vit dans un appartement vide, il se nourrit de nouilles instantanées dans des bols en carton avec des baguettes à usage unique. La lumière, très travaillée dans le film, sait sublimer les décors tragiquement somptueux de Fukushima en ruines où se retrouvent le père et le fils, comme une version idéalisée du souvenir. Dans les scènes de l’appartement de Murai, la lumière est extrêmement sombre. Il vit dans la pénombre, faiblement éclairé par des néons de cuisine et des lumières de bureaux. Dans le monde des vivants, Murai vit dans le noir, comme un mort, ce qui est une façon désespérée de se rapprocher de son fils qui l’est vraiment, lui. Sans son fils, Murai n’accepte pas de vivre. Cette répétition dans la vie antérieure, quasiment religieuse dans sa perpétuation aliénante, est aussi illustrée par le personnage de la mère de Jun. On comprend qu’elle est encore vivante, mais qu’elle a quitté Murai. Ce dernier l’appelle inlassablement, et tombe systématiquement sur sa messagerie. Il raconte donc, dans le vide de son répondeur, sa journée, ses angoisses, etc. Murai sait qu’elle ne décrochera jamais : le but n’est pas de la reconquérir, mais de perpétuer l’illusion de leur vie antérieure, de continuer de vivre de la même manière. Ce personnage inspire donc une grande pitié aux spectateurs tant il est malheureux et aveuglé par sa douleur.
La trame du court métrage se développe autour du procédé de deuil de ce père. Il se fait petit à petit, grâce à l’aide d’une voisine, qui va faire naître chez lui des sentiments amoureux. Cette personne lui redonne goût à la vie présente, lui proposant significativement de cuisiner pour lui. Ainsi, malgré les tourments liés à l’impression d’abandonner son fils, de le laisser mourir, il accepte d’allumer une lanterne pour son enfant, pour le libérer : Murai accepte enfin sa mort.
Cette histoire, émouvante sans pour autant nous tirer des larmes, m’a énormément touchée. Ce portait si tragique et pourtant si authentique de l’amour paternel est très juste dans son équilibre entre détresse et moments de vie, presque d’oubli, où Murai parle et rit avec sa voisine. Les personnages en deviennent humains, leur douleur devient universelle.
Claire
Homesick de
Koya Kamura, un film émouvant et qui interpelle
Homesick
est un film sélectionné aux César 2021 dans la catégorie courts métrages et
réalisé en 2018. Je parlerai dans un premier temps des personnages et de leurs
caractères, puis dans un second temps de la réalisation qui permet de
développer l’émotion du spectateur.
Le court métrage Homesick a été réalisé par
le réalisateur français Koya Kamura. Il raconte un drame qui se déroule au
Japon dans la région de Fukushima. On y retrouve Murai, un père seul qui vit
dans un décor triste. Il est collecteur dans une ville sinistrée et récupère
des objets qu’il donne gratuitement aux habitants de son village.
Son fils Jun, qui est probablement mort,
l’accompagne dans son imagination comme fantôme car son père ne peut pas le
voir disparaître. Murai est séparé de sa femme, suite à la mort probable de leur
fils. Il l’appelle chaque soir sur sa messagerie pour lui raconter sa journée.
Par la
suite, il fait la rencontre d’une femme de son village qui veut aller déposer
les cendres de sa mère aux côtés de celles de son père. Elle l’invite à manger,
ce qui pousse Murai à tourner la page sur son passé.
Tout au long
du film, nous suivons donc la crise personnelle du père, Murai, qui n’arrive
pas à tourner la page sur son passé. Il y parvient grâce à une femme qu’il
rencontre dans son village. Je pense que Koya Kamura a voulu illustrer dans son
court métrage les désastres qu’ont pu causer les catastrophes naturelles et nucléaires,
et il décrit au passage la santé morale des victimes qui n’arrivent pas à
oublier leurs proches perdus.
Homesick, entre la vie
et la mort
Deux ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima, Murai hante la no-go zone afin de retrouver et de rendre à leurs propriétaires les objets de valeur laissés derrière eux pendant l’évacuation. Mais derrière ce théâtre mortifère, c’est l’inconscience, la culpabilité et le sens du sacrifice qui le poussent à se mettre en danger pour passer du temps avec le fantôme de Jun, son fils de huit ans, qui vagabonde dans la no-go zone depuis le tsunami.
En effet,
le sujet prend place sur les lieux de la catastrophe de Fukushima et tous les
personnages sont des habitants des sites touchés par les radiations de la
centrale détruite à la suite du Tsunami. Le Japon, des acteurs japonais et la
langue japonaise sont donc les composantes essentielles à la réussite d’un tel
projet.
Le salon
d’une vieille maison délabrée. Le sol est recouvert de meubles cassés, de boue
et de détritus, qui composent un décor assez triste et sinistré. Dans
l’appartement du père, une seule lumière est allumée. Autour d’elle, tout est
dans l’obscurité.
Entre
réalité et fantastique, entre rêve et cauchemar, ce film est à la frontière
entre deux mondes. Celui de l’avant et de l’après tsunami, celui de la vie et de
la mort. Même s’il s’agit d’une fiction au caractère fantastique, cette
narration est ancrée dans un contexte réaliste.
Visuellement,
la no-go zone propose un monde tristement cinématographique et poétique. Dans
ce décor surréaliste on trouve tous les objets du quotidien presque intacts
mais abandonnés. Le temps est comme arrêté, et cette histoire peut sembler se
passer au cœur d’un rêve. Un rêve et non un cauchemar, car les personnages sont
plongés au cœur d’un drame effroyable mais l’acceptent avec sagesse ou
fatalité. Malgré le thème de la mort, il y a aussi le thème du retour à la vie,
par exemple à travers la rencontre avec une autre femme.
Mis à
part certains moments dramatiques, la bande musicale originale accentuera la
tonalité optimiste du film. Elle consiste en une musique orchestrale assez
minimaliste, avec une mélodie simple et discrète. Sans tomber dans le mélo, la
musique amplifiera l’émotion des personnages et celle du spectateur.
D’après
moi, ce film est magnifique. Il nous montre un sujet très important, fort et
touchant. On est plongé dans une réalité dure nous laissant toutefois un éclair
d’espoir à travers l’art du cinéma.
Chiara
*****
HOMESICK, ENTRE JAPON ET ILLUSION.
Après la catastrophe de Fukushima,
un père traverse les débris nucléaires pour retrouver son
fils.
Le Japon des
lanternes, le Japon de mère nature, le Japon du silence ou bien encore des
pâtes instantanées…
C’est dans une
fiction attendrissante que le réalisateur français Koya Kamura signe son
premier court métrage, et offre ainsi un portrait conté de la tragédie de
Fukushima.
Dans des paysages
nippons aux couleurs du printemps, l’ancien publicitaire nous raconte à sa
façon le deuil d’un père qui a perdu son fils Jun lors de la tragédie de 2011.
A travers le père, Murai, le jeune Kamura dresse une thérapie du deuil en fiction.
Il aborde dépendance, rêve, dépression, suicide… tout en gardant ce format
d’histoire, presque de légende, marquée par un double regard : celui du père
incapable de toucher son fils après l’accident, et celui du fils encore naïf et
joueur, inconscient de la tragédie qu’il représente.
Avec une première scène dans une ambiance de thriller/fiction faisant penser à Alien, on se rend vite compte que la combinaison blanche est trompeuse. Un petit garçon apparaît comme d’entre les morts et nous remet les pieds sur terre. Mais pas pour longtemps. Effectivement, sans trop le savoir, Homesick nous transporte dans un univers de poésie et de tableaux, avec une réalisation qui prend son temps et caresse la nature et les paysages d’Asie, ce qui rappelle un cinéma d’avant plus simple que celui d’aujourd’hui, où l’acteur partageait le rôle principal avec la nature.
Pourtant, Koya Kamura représente un univers moderne et récent avec des scènes montrant soit des barrières, soit un village, ou encore une voiture ou un coup de téléphone. La qualité de l’image témoigne des progrès technologiques avec des plans nets, combinés à des scènes nettes, qui contrastent avec une histoire pas si nette.
On se rappellera des
scènes avec une voiture traversant un paysage rural, sorte d’espace naturel non
encore habité.
Comme aux premiers amours, Murai fait la rencontre de Mme Kimura, sa voisine divorcée qu’il n’avait pas encore aperçue. Il doit alors décider entre vivre dans le présent ou dans le passé, passé auquel il se raccroche par des coups de fils sans réponse à son ancienne femme. Débute une romance compliquée mais réaliste, avec des personnages qui communiquent dans un face à face équilibré et où le silence et les mots elliptiques et maladroits - ou bien choisis - renversent les codes des films à l’eau de rose classiques.
Le scénario du court
métrage s'accorde avec l’aspect dramatique de la réalisation. On y voit des
paysages d’un Fukushima dévasté, avec des épaves de bateaux qui ne font qu’un
avec le vert des champs, tantôt expliqués par un regard jeté à un fils défunt,
dans un cimetière lui aussi, fondu dans la verdure.
Les acteurs très
attachants donnent au court métrage une touche de dessin animé, de douceur
enfantine, avec un jeune Shota Ikoma dans le rôle du fils qui apprend à jouer
au baseball avec un père, personnage principal, incarné par Tasuku Nagaoka.
Kamura se plaît à
prendre son temps, à nous faire découvrir pas à pas l’histoire, comme un puzzle
déplié sur une table, comme si nous pouvions lire à travers les lignes d’une
nouvelle de Maupassant. Il pousse à son paroxysme la cinéphilie et offre pour
seuls indices des plans qu’il faut laisser nous bercer.
Des lanternes sur un lac, c’est peut être cette fin qui représente le mieux ce court métrage: une histoire simple, profonde, qui se veut éphémère mais qui reste éternelle aux yeux du spectateur.
Cette fiction dramatique et psychologique annonce un nouvel artiste qui sait mettre l’eau à la bouche.
Magdalena
*****
Le drame du deuil
Homesick est un court métrage touchant et émouvant de Koya Kamura, racontant l’histoire de Murai, un homme bravant le danger et arpentant la no-go zone deux ans après la catastrophe de Fukushima, afin de passer plus de temps avec Jun, son fils de huit ans.
Dans
son court métrage, Koya Kamura réussit avec brio à exprimer l’émotion et les
sensations qu’on pourrait éprouver, en allant dans la zone, un endroit
totalement laissé à l’abandon après la catastrophe, avec des maisons à moitié
en ruines, délaissées par leurs habitants. On peut aussi voir une nature qui
reprend ses droits et envahit entièrement les lieux aménagés autrefois par
l’homme, donnant de sublimes plans, à l’ambiance paisible, comme ceux tournés
près du manège.
Quand
la caméra s’élève au-dessus du parking, montrant peu à peu des centaines de
petites habitations identiques les unes aux autres, le réalisateur arrive à
montrer la détresse de ces gens qui ont perdu leur logement, leur famille, et
qui sont contraints de vivre dans un confort minimal, qu’ils espèrent
provisoire.
Murai
est un personnage émouvant qu’on va suivre peu à peu, au fil du court métrage,
dans son processus de deuil. Le spectateur, qui peut également voir Jun, va
s’attacher à cette relation père-fils, même si elle n’est en réalité plus
existante, puisqu’on comprendra que malheureusement Jun est mort, probablement
durant la catastrophe.
Un
spectateur qui se retrouvera au bord des larmes lors d’une scène d’adieu plus
qu’émouvante, dans un décor enchanteur et féérique baigné par la lueur des
lanternes.
Murai
a enfin laissé le passé derrière lui et va pouvoir aller de l’avant, peut-être
avec l’aide de sa gentille voisine qui est pratiquement son seul lien avec le
monde réel depuis le début de l’histoire.
Manon
*****
Homesick, un drame humain
Première
œuvre de fiction du réalisateur franco-japonais Koya Kamura, le court métrage
de 27 minutes immortalise un drame onirique expressément captivant. L’émouvant
récit traite de questions comme le deuil et les relations humaines, avec pour
toile de fond un monde dévasté.
Murai est un collecteur. Deux ans après la catastrophe de Fukushima, il explore la zone irradiée, cherchant les souvenirs qu’on lui demande de retrouver. Lui, par la même occasion, passe du temps avec son fils Jun, laissé seul dans la no-go zone. Le couple qu’il formait avec la mère de Jun ayant explosé, Murai s’enferme dans une situation sinistre, et en devient aussi fantomatique que son fils.
Ce
film se construit autour de ce rapport particulier avec la mort au Japon. Une
harmonie entre absence et souvenir y règne. Homesick
est un film cohérent, intelligent, un film humain. Kamura y exprime des
émotions simples et pures. Dans cette zone interdite est renfermée une nature
verte et luxuriante. Synonyme d’une richesse intérieure, elle nous rappelle
Murai, brisé, dont l’espoir renaît après la rencontre avec une femme. Ses
voyages dans la zone interdite sont des voyages fantasmés, rêvés. Puis le
compteur Geiger sonne, le réveille, ramène Murai à la réalité, l’éloigne de son
fils une fois de plus.
Le
rythme du film est lent, calme. La musique, la lumière, maintiennent un
équilibre tout au long de l’œuvre. On peut souligner le rapprochement de Murai
avec Mme Kimura, qu’il a accepté d’emmener dans la zone. D’abord filmés en
champ-contrechamp, les personnages se retrouvent tous deux dans le même plan
lors du retour au village.
Les
visuels du court métrage rejoignent ceux de Miyazaki d’une certaine manière.
Ils sont à la fois esthétiques et très poétiques, comme par exemple lors de la
scène des lanternes, symboles du deuil, qui s’éloignent de la famille…
Koya Kamura confie dans une interview qu’il est lui-même père d’un fils. Il projette dans son film sa plus grande peur : la perte de son enfant. Homesick, c’est la naïveté d’un père abattu, l’évolution d’une relation fondée sur le déni. Un magnifique court métrage poussant à une réflexion sur notre condition, démontrant que rien n’est éternel.
Gabriel
*****
Homesick, mystère et interprétation
Ce
court métrage n’est pas a priori le genre de film que j’aime regarder, et
pourtant, il contient des choses que j’ai beaucoup aimées. D’abord, je ne sais
pas si c’est à cause du format du court métrage, mais le réalisateur nous
montre des choses sans les développer. Alors notre imagination travaille. Par
exemple, on ne connaît pas la nature du fils, on ne sait pas s’il s’agit d’un
fantôme, ou s’il est le produit de l’imagination de son père. Libre à nous de
décider selon nos préférences. Il y a aussi des plans un peu longs sur la
nature, mais bien dosés. Bon film.
Simon D.
*****
Le deuil en poésie
Dans son court métrage Homesick, Koya Kamura a réussi à traiter
un sujet dramatique (celui du deuil d’un père après la mort de son fils) avec
subtilité et poésie. En effet, cette zone irradiée et désertée, qui au premier
abord pourrait paraître effrayante et synonyme de désolation, se transforme en un
endroit calme et paisible où règne comme un sentiment de paix.
A travers des plans magnifiques, une musique poétique et
une complicité touchante entre un père et son fils, le réalisateur traite de
manière originale le thème du fantôme et du surnaturel. La scène des lanternes
qui sert d’hommage aux personnes disparues est marquante et particulièrement
réussie du point de vue formel. Elle exprime un sentiment d’espoir face à la
mort. Le réalisateur parvient à rendre perceptible le monde des morts et le fait
que le personnage principal oscille entre ce monde et celui des vivants met en
évidence cette perception.
Le jeu très touchant des deux
acteurs principaux (le père et son fils) est à noter. La grande part faite au
silence, associée à la beauté des plans, intensifie encore la sensation de paix
et fait de ce film une œuvre singulière et d’une grande beauté.
*****
- HOMESICK -
Après
la pluie, le beau temps
Il manquerait sûrement
des mots à quiconque tenterait de décrire l'ambiance si particulière de Homesick,
court métrage
sorti en 2018 et réalisé par Koya Kamura.
Dès les premières
secondes, l'apparition fantomatique d'une maison en décomposition marque la
rétine du spectateur par son atmosphère sombre et mystérieuse. Un travail sur
les accessoires est immédiatement remarqué. Chaque recoin de la pièce est
méticuleusement organisé et rien n'est laissé au hasard. Tout est là pour
rendre crédible la situation à laquelle
le personnage et les spectateurs doivent faire face durant les années suivant
une catastrophe nucléaire, un monde dystopique dans lequel le COVID-19
passerait pour une vilaine grippe. Ce sujet, bien que délicat, est
admirablement traité et se traduit par un conte poétique toujours paisible,
même dans ses instants les plus durs.
Homesick, par plusieurs aspects,
évoque la mort, le deuil et le retour à la vie. S'il faut attendre la fin du
court métrage
pour avoir les réponses à plusieurs questions, le sujet est bel et bien traité
durant tout le film. Le personnage principal est un homme profondément seul,
depuis peu célibataire et dont la seul famille, son fils, est contaminé et vit
dans une zone évacuée. Murai se voit donc passer son temps entre son minuscule
appartement parmi tant d'autres et la
zone déserte qu'occupe son fils, zone dans laquelle ils passent le plus clair
de leur temps à chercher une balle de base-ball perdue. Que ce soit dans les
zones vides où Murai est majoritairement filmé seul ou dans ce qui s'apparente
à un milieu urbain, la solitude du personnage est exprimée continuellement.
Lors d'une de ses deux seules
interactions avec un personnage annexe, Murai est isolé, que ce soit en le
cadrant séparément de sa passagère en voiture (ce qui est quand même compliqué)
ou en l'apercevant flou en arrière-plan lorsque cette dernière se recueille sur
la tombe de sa mère.
Il est également notable
que la Mort est au centre du récit. Spoil oblige, un twist apprend au
spectateur que le fils de Murai est mort et que c'est son souvenir auquel son
père se raccrochait dans l'espoir de le retrouver, ou par peur de l'oublier.
Paradoxalement, la plus belle scène du film est sans doute celle durant laquelle
se déroule un rituel funéraire. Toutes ces lanternes oranges qui
flottent et se reflètent dans l’eau représentent
chacune une personne disparue : et c'est aussi un thème du film, les choses
qui disparaissent. Murai vit dans le passé, de par sa relation
fantasmagorique avec son fils disparu, mais aussi à
travers des
détails : son réflexe d'utiliser un clignotant dont l'utilité est depuis
longtemps désuète ou bien les messages qu'il laisse sur le répondeur de sa
femme disparue de sa vie.
Son métier est également significatif : appelé Collecteur, il erre dans
la zone contaminée, de maison en maison, afin de récupérer
des objets appartenant aux familles souhaitant conserver des
souvenirs de leurs proches.
Il vit physiquement dans le passé.
Tout cela montre que le
personnage refuse d'avancer, et ce,
jusqu'à un certain point. La mort et le souvenir laissent place au deuil et au
retour à la vie. A leur retour du cimetière, Murai et sa passagère ne sont plus
filmés séparément. Les plans serrés se transforment en un plan-séquence qui
englobe les deux personnages et qui sonne comme une bouffée d'air frais. Le
dernier plan et tout autant libérateur : le père et son fils sont assis au bord
d'une rivière de la zone contaminée. Après qu'il ait enlevé sa combinaison de
protection, Murai s'assoit et prend son fils sur les genoux. L'homme étant
filmé de dos, le spectateur voit l'enfant disparaître dans la silhouette de son
père. Murai a accepté la réalité, a enfin arrêté d'être homesick,
d'avoir le mal du pays, ou plutôt celui
de sa vie d'avant ; et bien qu'il se retrouve seul, assis devant nous, il n'est
plus seul pour la première fois depuis longtemps.
Simon H. C.
Homesick, un court métrage émouvant, placé sous
le signe du renouveau
Homesick, de Koya Kamura, est impressionnant,
aussi bien en termes d'écriture que sur le plan de la réalisation. Sorti en
2019, il est le premier court métrage du réalisateur et scénariste
franco-japonais et remporte le prix du meilleur réalisateur et le grand prix du
festival Hollyshorts d'Hollywood la même année.
Homesick est un court métrage poétique et subtil,
que tout le monde saurait apprécier. L'histoire, prenante, s'inspirant de la
catastrophe de Fukushima au Japon, nous présente Murai, incarné par Tasuku
Nagaoka, un homme meurtri incapable de faire le deuil de son fils. Le film peut
tous nous toucher car il évoque la relation du père et de son fils, Jun, joué
par Shota Ikoma, qui est au cœur de l'intrigue du film. Le fait que le père se
mette en danger pour retrouver son fils, ou du moins les souvenirs qu'il a de
lui est touchant, et leur complicité est palpable grâce au jeu très crédible
des acteurs. Le réalisateur nous montre Fukushima comme un désert, mais avec
des plans pleins de verdure, qui renforcent le naturel et la pureté de la
relation du père et de son fils associés à une musique d'orchestre classique.
La force du film est d'ailleurs également basée sur la photographie. Les plans
travaillés, émouvants sans jamais être sordides, donnent une certaine légèreté
au film, bien que ce dernier se situe peu de temps après la catastrophe
nucléaire, et démontrent un choix particulier de Kamura à ne pas exagérer
l'aspect tragique de la situation. L'histoire est belle, elle n'est pas
uniquement dramatique, car le personnage de Murai réussit à se détacher du
fantôme de son fils et de son ex-femme, notamment grâce à sa voisine et à la
rencontre de Mme Kimura qui lui donnent les clés pour aller de l'avant. Un
aspect remarquable du film est que le mystère plane sur le fils, Jun, tout au
long du film. Bien que l'on se doute que quelque chose ne tourne pas rond, on
ne sait jamais exactement quoi. Ce mystère pousse souvent le spectateur à
réfléchir et se poser des questions.
Homesick est donc le court-métrage à voir
absolument si vous souhaiter passer un bon moment. C'est un film complet,
touchant et agréable qui correspond à un large public. Invitez-donc vos enfants
à le regarder avec vous !
Matisse
*****
Le mirage de Jun
Ce court métrage raconte l'histoire d'un homme en combinaison de sécurité qui va dans la zone irradiée de Fukushima. Il cherche des objets laissés sur place et les rapporte à leurs propriétaires qui veulent récupérer des souvenirs. Ces gens sont logés dans des camps de réfugiés, à plusieurs kilomètres de la zone interdite. Lors de ses passages dans la ville abandonnée, il est accompagné d'un mystérieux petit garçon qu'il semble bien connaître, mais qui, lui, ne porte aucune combinaison de protection...
En moins d'une demi-heure, le réalisateur japonais veut nous faire ressentir profondément le drame vécu par son pays avec la catastrophe de Fukushima. Pour ce faire, il commence avec une scène bizarre où un homme en combinaison de sécurité fouille une vieille maison abandonnée. Lorsqu'il sort de la maison, on comprend qu'il se trouve dans une ville dévastée et vidée de ses habitants.
On comprendra aussi plus tard que le petit garçon qu'il retrouve dans cette ville est son fils, ou plutôt, soit le fantôme de son fils, soit un rêve, car son fils est mort dans la catastrophe. Cette manière de nous faire approcher ce terrible deuil du fils par cet homme est très émouvante. On y sent la pudeur traditionnelle de la culture japonaise vis-à-vis des sentiments.
La dimension esthétique est par ailleurs essentielle pour le réalisateur. Les plans, notamment sur les paysages, sont très beaux. La scène dans un parc d'attraction abandonné est visuellement dramatique, car elle évoque le séisme meurtrier, dévastateur. La grande roue abîmée et le vieux manège apportent une beauté toute simple, mais très touchante. De même, la dernière scène - celle des lanternes -, qui est ma préférée, est très forte. En effet, on y voit le contraste entre les lanternes éclairées et le lac bleu foncé dans la nuit. Les lanternes éclairent le paysage, et d'une certaine manière, réchauffent le coeur de Murai et celui du spectateur.
Les plans sont parfois très sombres, ce qui donne un côté sinistre. Ainsi, on peut s'identifier au père, puisqu'il est horriblement difficile de faire le deuil d'une personne qui nous est très chère. Alors on essaie de se rattacher à quelques bribes de souvenirs de cette personne. En l'occurrence, les souvenirs, pour Murai, sont représentés par le fantôme de son fils. Il y a cependant des plans colorés, notamment avec la végétation tropicale du Japon que l'on voit parfois quand Murai est sur la route.
Je trouve très émouvant le fait que Murai, le père, éprouve toutes ces difficultés à faire le deuil de son fils Jun. Ainsi, il aperçoit ou bien il imagine (le réalisateur laisse les deux options possibles) le fantôme de son fils, et il lui parle.
La tristesse du père se traduit aussi par le fait qu'il se néglige. En effet, il se nourrit mal, uniquement avec des conserves. A la fin, cependant, un espoir semble apparaître avec la rencontre d'une jeune voisine, elle-même veuve. Ils semblent tous les deux vouloir se connaître davantage...
Victoria
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Sur le film et son tournage, voir la page du CNC :
« Homesick » : un tournage au Japon en « no-go zone » | CNC