Voir ou revoir L’impossible Monsieur
Bébé d'Howard Hawks
Et si nous revenions à un temps où le cinéma américain ne
pouvait pas montrer grand chose ? Il ne le pouvait pas, mais les réalisateurs
ne se privaient pas de glisser quelques indices au spectateur, qui devait alors
faire le travail d’interprète. Bon, si vous n’aimez pas l’analyse, ça n’est pas
pour vous (quoiqu’il n’y ait pas besoin de faire ce « travail » pour apprécier
ce film), mais croyez-moi, ça vaut le coup d’essayer ! En effet, en ce temps où
les films possédaient une face cachée au moins aussi importante que leur
fonction de divertissement, chaque élément du film était là pour signifier
quelque chose. Et c’est de L’Impossible Monsieur Bébé que je voudrais
vous parler. C’est un film qui date de 1938, une perle dans laquelle Howard
Hawks réunit Carry Grant et Katharine Hepburn. Carry Grant incarne David, un
paléontologue un brin trop sérieux qui rencontre Susan, une riche héritière un
brin trop folle.
Ce film s’inscrit dans le sous genre de la Screwball
Comedy, une comédie, donc, complètement loufoque, dans laquelle des objets
incongrus ont une importance primordiale. C’est ainsi que ces deux personnages antagonistes
devront s’unir pour retrouver un os de brontosaure disparu et un léopard
fugitif, le tout donnant, évidemment, un résultat explosif. Alors, devant votre
écran, quel qu’il soit, asseyez-vous bien confortablement et prenez bien votre
souffle : le film démarre à fond, et la cadence ne cesse d’accélérer du début à
la fin, l’hystérie d’un personnage se propageant tout autour de lui, et gagnant même
le spectateur. Le moteur de cette folie ? Katharine Hepburn, dans toute sa
splendeur, qui incarne une femme tour à tour gosse de riche capricieuse et
femme-enfant vulnérable, aussi calculatrice que spontanée. Elle n’écoute
personne d’autre qu’elle-même mais est incapable de rester seule. Elle peut,
durant la même scène, se déchaîner telle une tornade ou fondre en larmes comme
une petite fille. Elle renverse tout sur son passage, jusqu’à l’ordre établi.
Il y a, par exemple, une scène mythique qui montre Carry Grant en robe de
chambre rose s’exclamant qu’il est tout à coup très gai, et elle en pantalon,
qui veut le séduire. Mais il n’y a pas que ça pour faire la grandeur d’un tel
film… On n’oubliera pas les années 30 et le fameux code Hays ! On connaît tous
la prohibition qui a donné naissance à une certaine mafia aux Etats-Unis (et par
la suite de très bons films). Cette prohibition s’étalait jusque sur les écrans
: refus de la violence explicite et exigence de pudeur ! Voilà tout le dilemme
des films d’Hollywood des années 20 à la fin des années 60 (assassinat de
Kennedy et guerre du Viêt-Nam obligent) : comment faire passer la violence et
la sexualité entre les mailles de la censure ? Howard Hawks a une certaine idée
sur la question. Bon, je vous en donne un exemple, un peu difficile à trouver :
contrainte de mentir à sa respectable tante sur l'identité de David, Susan
invente dans la précipitation un pseudonyme à ce dernier. Elle fait le choix de
Mr. Bone. Evidemment, c’est en rapport avec le fait que David soit à la
recherche de ce fameux os de brontosaure. Mais ce dont nous, petits
francophones, ne nous doutons pas, c’est qu’en anglais to have a boner possède une toute autre signification (sexuelle,
comme vous pouvez vous en douter) ! Je vous propose de regarder par vous-mêmes
la traduction, puis de commander pour Noël ce chef d’œuvre du 7ème art, et de partir
à la recherche des indices laissés çà et là par le réalisateur pour suggérer
certaines choses inconvenantes. Un coup de blues ? Voilà la solution, fous
rires et surprises assurées ! Si vous n’avez pas compris grand chose aux
explications que je viens de donner, c’est normal, c’est un film farfelu et il
est difficile d’en faire le résumé. Il n’y a qu’une issue : voyez-le,
admirez-le, chercher l’implicite, faites-vous en une idée et parlez-en avec
ceux qui le connaissent, vous ne pourrez que faire des heureux
!
Solène Colin, 1ère L
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