Le 12 février 2016, à l'Escurial, de nombreux élèves du lycée ont assisté à des projections de films consacrés au continent américain et à ses tensions, dans le cadre des cours de français, d'espagnol, de l'option cinéma, de la section européenne espagnole ou d'histoire-géographie.
Chacun des deux films a fait l'objet d'une présentation par le cinéaste Pascal-Alex Vincent.
Au programme figuraient Bread and Roses de Ken Loach (2000) et Les Neuf Reines de Fabian Bielinsky (2002).
Vous pouvez lire ci-dessous l'analyse du film de Ken Loach par les élèves de Terminale de l'option cinéma, puis les remarques des élèves de Seconde de l'option cinéma sur les scènes de début et de fin, ainsi que sur l'engagement du cinéaste.
Analyse de Bread and Roses de
Ken Loach (2000)
par les Terminales de l'option cinéma
Synopsis
:
L'histoire
se passe à la fin des années 1990, dans la ville de Los Angeles, en Californie.
Maya (interprétée par Pilar Padilla, une comédienne qui faisait ses premiers
pas au cinéma) est une jeune Mexicaine qui a quitté sa mère et son pays pour émigrer
aux Etats-Unis où elle retrouve sa sœur, qui vit avec son mari et leurs deux
enfants. Maya essaie de s'intégrer en trouvant un travail. Elle obtient d'abord
un job de serveuse, puis de femme de ménage dans la même société que sa sœur.
Ses collègues et elle travaillent cependant dans des conditions difficiles et
pour un salaire misérable. Sa rencontre avec Sam Shapiro (interprété par Adrian
Brody, seul acteur professionnel de ce film), un jeune syndicaliste, lui permet
de prendre conscience qu'il faut cesser de subir et prendre sa vie en mains.
Le
film va alors raconter les bouleversements que cette lutte va entraîner dans la
vie des personnages. Ainsi, au fil de la lutte, un amour se construit entre Sam
et Maya et des relations, contrastées, se nouent entre les personnages. Cette
histoire intense finit sur une note ambivalente : le syndicat gagne son combat,
mais Maya, accusée de vol, se retrouve renvoyée au Mexique.
Un film réaliste :
Les
scènes les plus réalistes du film sont aussi les plus intenses
émotionnellement. Ainsi, la scène du début, qui montre le passage de la
frontière par les immigrés clandestins, est inquiétante. Elle est filmée en
caméra à l'épaule, quasiment en temps réel et avec des plans subjectifs qui en
accentuent le réalisme. On a alors l'impression d'être un personnage, et non un
spectateur.
Les
scènes où les syndicalistes essaient de convaincre les employés de se révolter
montrent la méfiance et la réticence des personnages à s'engager : elles sont
réalistes car elles n'idéalisent pas les employés, mais montrent au contraire
leurs faiblesses.
Les
scènes de manifestations diffusées à la télévision, qui ressemblent à des
images d'archives, contribuent également au réalisme du film. Elles reprennent
d'ailleurs un slogan déjà utilisé au cours de l'histoire des luttes syndicales,
et qui donne son titre au film : "We want bread, but roses too."
Lorsque
Maya se dispute avec sa sœur Rosa, qu'elle accuse d'avoir trahi la cause des
militants, il n'y a pas d'ellipses : la dispute est montrée dans la continuité
et cela nous permet de vivre l'intensité de la scène aux côtés des personnages.
La conversation comporte des détails très crus de la vie de Rosa et permet à
Maya de se rendre compte de la réalité affreuse que sa sœur a dû endurer pour
pouvoir envoyer de l'argent à sa famille.
Enfin,
le film tout entier comporte une dimension réaliste lorsque l'on songe au fait
que Pilar Padilla (Maya) ne parlait pas anglais deux mois avant le début du
tournage. Elle s'identifie donc parfaitement à son personnage d'immigrée.
Des scènes comiques
:
Certaines
scènes apportent de la légèreté au propos du film, de par leur aspect comique.
Ainsi, après la scène d'ouverture, l'un des deux passeurs kidnappe Maya. Mais
celle-ci parvient à s'échapper en lui volant les bottes dont il était
particulièrement fier. De même, on peut mentionner la scène où une des
employées apprend à Maya à passer l'aspirateur en dansant avec celui-ci, celle
de la fuite de Sam, caché dans le chariot de Maya, qui relève d'un comique
burlesque, ou encore celle du restaurant où Sam s'en prend au patron des employés
de ménage et finit par manger dans son assiette.
On
peut mentionner enfin la scène de la réception dans les bureaux, dans laquelle
nous avons pu remarquer, entre autres, Tim Roth et Benicio del Toro, confrontés
à l'arrivée des femmes de ménage de l'immeuble. Cette scène peut être vue comme
comique pour plusieurs raisons. Tout d'abord, Ken Loach n'a pas engagé d'acteur
professionnel (à part Adrian Brody) pour les rôles principaux, mais des acteurs
professionnels et connus pour jouer des figurants, ce qui constitue un beau
renversement de la hiérarchie habituelle des rôles. Ensuite, la scène est drôle
dans la manière dont les invités, éberlués, réagissent à l'arrivée des femmes
de ménage, qui détonent par rapport à leur milieu.
Une œuvre engagée
:
L'engagement
du cinéaste tient avant tout au choix du point de vue narratif, qui privilégie
le personnage de Maya. En effet, il n'est pas commun, au cinéma, de raconter
une histoire selon le point de vue de cette classe sociale pauvre, d'origine
hispanique, qui est pourtant très présente aux Etats-Unis. Ce choix vise à
montrer la vraie ville de Los Angeles où, derrière les stars de cinéma, des
personnes de toutes origines mènent une vie difficile.
Parce
qu'il suit Maya dans sa vie de tous les jours, le spectateur s'identifie à elle
et compatit à son sort ainsi qu'à celui des autres personnages qui l'entourent.
Parce qu'il assiste à leur combat contre les injustices sociales, le spectateur
est invité à se ranger de leur côté et à vouloir lui aussi changer les choses.
Ce film vise donc à susciter une prise de conscience collective. En témoigne la
scène où Maya et Ruben nettoient l'ascenseur et où deux cadres de l'entreprise
passent à côté d'eux, les enjambent presque, sans même les voir : on peut voir
ces personnages comme des contre-modèles et lire cette scène comme une
invitation à ouvrir les yeux sur les problèmes qui nous entourent plutôt que de
détourner le regard.
Elèves de Terminale : Romain, Judith, Inès L., Inès A. Léa, Félix, Hugo, Arthur, Andréa, Diane, Kamel, Gustave, Maximilien, Sarah, Laure, Clara, Katia, Maxime, Thomas, Ariane, Ambre, Raïssa, Laura, Guillaume.
Bread
and roses vu par les élèves de Seconde de l'option cinéma
La séquence
initiale :
La
séquence initiale est filmée caméra à l'épaule. La caméra est placée au milieu
des personnages et bouge avec eux, ce qui a pour effet de nous plonger dans
l'action. Le son est amplifié : le moindre craquement ou bruissement de
feuilles s'entend très fort, ce qui a pour effet d'augmenter la tension. Dès
que la tension baisse, la caméra se stabilise et une musique plutôt joyeuse se
met en place. Quand les personnages sont sur la route, il y a beaucoup de plans
subjectifs, l'un sur une voiture de luxe et l'autre sur les buildings : on peut
comprendre ces plans comme exprimant l'espoir d'une vie meilleure en Amérique.
(Eliot)
Cette
première séquence annonce la suite du film, car dès le premier plan, qui est
assez sauvage et fait presque amateur, nous sommes embarqués avec Maya et
d'autres personnages. Elle nous annonce que la suite du chemin de Maya sera
compliquée, avec des épreuves qu'elle devra surmonter, ce qui est renforcé par
la scène où elle reste enfermée dans la voiture avec les deux passeurs. (Eva)
La
séquence initiale est filmée à l'aide d'une caméra à l'épaule pour nous plonger
directement au cœur de l'action. Le film s'ouvre donc en pleine action, et
l'accompagnement sonore est constitué de râles, de cris et de souffles forts et
répétés, afin de créer une ambiance de panique et d'angoisse. Cette première
séquence annonce la suite du film avec ses plans-séquences et son rythme très
rapide, qu'il faut suivre. (Lia)
Dans
la séquence initiale, la caméra est placée au centre de l'action et nous plonge
avec les personnages dans leur fuite. La caméra est parfois subjective et le
son y est adapté (respirations, vent…). La réalisation est donc très
mouvementée (comme si un personnage courait avec la caméra) et donne une
impression de film amateur. Les plans sont souvent rapprochés (taille ou
épaule), avec quelques gros plans, toujours dans le but de nous rapprocher de
l'action et des personnages. (Rayan)
La
première scène est filmée en caméra subjective et la caméra bouge énormément et
très rapidement. C'est un choix de Ken Loach souhaitant accentuer le côté
"sauvage" du Mexique, ainsi que l'illégalité de l'action des
personnages (le passage de frontière). (Nathan)
Dans
la séquence initiale, on a d'abord une caméra portée à l'épaule, qui bouge
beaucoup, en accord avec l'action qui se déroule. On a des plans larges, qui
montrent les personnages en entier, mais aussi des plans américains, par
exemple lorsque les fugitifs sortent de la voiture, ainsi que des gros plans,
notamment lorsqu'ils sont dans la voiture. La musique débute quand ils sont
tous dans la voiture : pour montrer que Maya est heureuse d'arriver aux
Etats-Unis, le réalisateur a choisi une musique entraînante. (Noémie)
La fin du film
:
La
fin n'est pas très joyeuse, car on aurait aimé que Maya reste avec sa sœur et
Sam. On la voit même pleurer dans le dernier plan. Mais tous les problèmes des
personnages, pour lesquels ils se sont battus, ont été résolus. C'est une fin
qui revient au début, comme une boucle, qui nous ramène à la situation initiale
pour montrer à quel point la vie est injuste avec Maya, en dépit de tout ce
qu'elle a accompli.
Cela
nous montre combien la vie est difficile pour les personnes qui naissent dans
un pays pauvre. Ainsi, Maya est en quelque sorte comparée à Sam, qui est, lui,
américain, avec une vie assez facile. Il la laisse partir, triste mais en
sécurité, tandis qu'elle va retrouver une vie plutôt misérable qu'elle avait
fuie. En même temps, Ken Loach délivre aussi un message d'espoir à travers le
combat des employés de ménage : il montre qu'en peu de temps et avec peu de
moyens, on peut accomplir des choses. (Chloé)
Un film engagé
:
Ce
film montre la réalité de l'immigration. Ken Loach se met du côté des immigrés,
montre leur arrivée sur le sol américain et l'évolution de leur situation. Cela
invite le spectateur à éprouver de la compassion pour les immigrés et surtout
lui permet de savoir comment les choses se passent vraiment. (Eliot)
Ce
film est une œuvre engagée, car il montre que les immigrés arrivent en
cachette, dans de mauvaises conditions, avec des passeurs douteux, tandis que
leurs familles se sont ruinées pour faire passer les leurs de l'autre côté de
la frontière. Le message que pourrait faire passer le réalisateur, c'est que le
rêve américain est idéalisé, mais que l'idée selon laquelle tout est possible
n'est pas réaliste. Il montre aussi que la vie est un combat, et que malgré les
inégalités, on peut faire des choix et se battre pour être heureux, que tout le
monde a droit au bonheur. (Eva)
Ce
film est une œuvre engagée, car il exprime des messages sur des faits qui
pourraient être réels. Le sujet est d'actualité et le film présente une dure
réalité qui concerne directement les spectateurs. (Rayan)
Ce
film dénonce des injustices : celle commise par les passeurs qui enlèvent Maya
parce que sa sœur n'a pas assez d'argent ; celle des Etats-Unis qui renvoient
Maya au Mexique malgré tout ce qu'elle a accompli pour améliorer le sort des
hommes et femmes de ménage. (Nathan)
Le
réalisateur prend parti dans cette histoire. La vision du spectateur est
orientée en faveur des Mexicains arrivés clandestinement. Ken Loach dénonce le
capitalisme, les salaires trop bas pour les étrangers et les lois du travail
qui ne sont pas les mêmes pour tout le monde. (Ezio)
Le
film montre la vie difficile de Maya : les difficultés pour les immigrés
mexicains à entrer aux Etats-Unis, la cruauté des passeurs, et le retour à la
case départ qui peut arriver à tout moment, à la moindre erreur. (Gustave)
Ce
film pourrait être inspiré d'une histoire vraie, et je pense que ce genre de
transaction existe encore. C'est important d'en traiter dans un film, car
l'immigration est un sujet dont tout le monde parle. On voit aussi que ceux qui
font le voyage font parfois de bonnes actions et se battent pour qu'on
reconnaisse leurs droits. Le film montre leur humanité. (Angèle)
Ce projet a été mené avec l'aide des Cinémas Indépendants Parisiens et subventionné par la Région Ile-de-France.