TOUT SUR MA MÈRE
- Le Film époustouflant d'Almodóvar -
Le film Tout sur ma mère, de Pedro Almodóvar, marque, en 1999, un tournant dans
l'oeuvre cinématographique du réalisateur espagnol. Après s'être, pendant vingt ans, livré à la
représentation de types sociaux le plus souvent extrêmes, c'est un tout autre univers que celui
dévoilé par l'impressionnant long métrage Tout sur ma mère.
Manuela, infirmière, vit avec son fils de dix-sept ans à Madrid. Lorsque, le jour de ses
dix-huit ans, elle l'emmène à la représentation d'Un tramway nommé désir, il tente d'obtenir un
autographe de sa comédienne fétiche et se fait renverser par une voiture puis succombe à ses
blessures. Détruite, Manuela décide de partir à la recherche du mystérieux père de son fils,
resté à Barcelone, ville qu'elle a quittée il y a plus de dix-huit ans. Le spectateur suit donc
Manuela dans un périple mouvementé à travers la ville espagnole, marqué par des retrouvailles
et des rencontres parfois improbables et inoubliables.
Dès les premières images, une avalanche de couleurs, vives et contrastées, envahit
l'écran et submerge le public. Cette habile manipulation de l'image, des plans et des couleurs
motive et anime l'intrigue tout au long du film et confère une dimension parfois poétique à
l'oeuvre. À ces associations visuelles stupéfiantes s'ajoute une imbrication parfaite de la musique
aux plans. Ainsi, c'est la découverte d'un univers clos, où tout est parfaitement calibré et ajusté pour permettre au spectateur d'y entrer. On ne sort pas de la projection en disant de ce film que
« la musique était bien » ou encore que « les images étaient merveilleuses » : on ne peut
qu'affirmer « quel incroyable voyage ! ». Car oui, c'est un véritable voyage, une véritable
aventure que propose Pedro Almodóvar dans son film Tout sur ma mère. Le spectateur est
emmené par Manuela, accompagné par son personnage, impliqué avec elle dans ses recherches,
partage sa vie le temps du film, est touché par son histoire.
D'ailleurs, aucune autre actrice n'aurait pu incarner le personnage de Manuela aussi bien
que Cécilia Roth. Le public fait la rencontre de Manuela et non de son personnage. Cécilia Roth
parvient à s'approprier magnifiquement le personnage de Manuela, elle partage toutes ses
émotions, ses peines, ses joies, et les transmet au spectateur. Son visage particulièrement
bouleverse, car expressif et sincère. Le spectateur s'attache et s'identifie à Manuela et aux
personnages de son entourage ; l'accompagne, la soutient.
Une autre dimension tout à fait incroyable et passionnante du film, serait la place
accordée aux travestis et aux liens qui les unissent à Manuela. C'est un aspect touchant, qui de
plus, est traité avec un naturel et une légèreté exceptionnels, et ouvre les portes d'un monde
tolérant et bienveillant, source d'espoir.
Par Eléna Brunet-Rapeaud
Critique de Tout sur ma
mère de Pedro Almodovar
Esteban
vit seul avec sa mère, Manuela. Écrivain en herbe, il commence son premier
roman qui parlera de sa mère ainsi que de l’absence de son père dont l’identité
lui est inconnue. Le jour de ses dix-sept ans, il va avec sa mère au théâtre
voir la représentation d’un Tramway nommé
désir qu’elle a interprété plus jeune
avec le père d’Esteban. Ils attendent la vedette de la pièce pour obtenir son
autographe mais en poursuivant la voiture de la star, Esteban se fait
mortellement renverser par une autre voiture. Dévastée, Manuela quitte Madrid
et rejoint Barcelone où elle sera confrontée à son passé pour retrouver le père
d’Esteban devenu une femme appelée Lola.
Au
premier regard, ce film pourrait paraître comme un cliché de mélodrame, mais le
contraste avec l’univers coloré et décalé d’Almodovar change bien des choses.
On y retrouve Cecilia Roth dans le rôle d’une mère en deuil à la recherche du
père de son enfant, Marisa Parades (qui avait déjà brillé dans Talons Aiguilles) interprétant une actrice lesbienne amante d’une toxicomane, Antonia San
Juan dans la peau d’une ex-prostituée transsexuelle et la jeune Pénélope Cruz
qui débute à peine une longue histoire d’amour avec le cinéma d’Almodovar
jouant une religieuse séropositive.
Tous
ces drames accumulés devraient faire fondre en larmes les spectateurs les plus
sensibles, mais ce surplus de négativité est compensé par une légèreté et un
humour irrésistible. La mort étant constamment présente, le film est pourtant
plein de vie et d’espoir, les disparitions sont remplacées par les
retrouvailles, les rencontres, les naissances… Les personnages sont soudés,
pleins d’amour et préfèrent la joie de vivre aux regrets et aux chagrins.
Une
nouvelle fois, Pedro Almodovar nous apporte une bonne bouffée d’air frais méditerranéen
avec ce petit chef-d’oeuvre et l’on en ressort avec la joie de vivre et le
sourire aux lèvres.
Volodia Breitman-Ferri