C’est une ville dont
tout le monde connaît le nom. Une petite ville de l’Anjou bien tranquille,
paisible avec ses parcs, ses bâtiments et ses rues commerçantes. Mais chaque
année, durant la dernière semaine du mois de janvier, la ville se réveille et
dévoile au monde entier, mais dans l’intimité tout de même, une ambiance comme
on n’en trouve nulle part ailleurs. Alors, à vos sièges, préparez en cas de
besoin quelques dolipranes, et c’est parti pour dix jours de Cinéma intense !
Pour ma part, seulement trois jours ont suffi pour me convaincre que le cinéma
est comme une pyramide dont les passages secrets sont multiples et les galeries
souterraines plutôt occultes. Le cinéma, c’est une éternelle découverte et
redécouverte. Avec, sur mon compteur du festival Premiers Plans, quelques 11 séances et 20 heures de
projections, voici mon bilan.
A peine arrivés, il
faut déjà aller au Centre des Congrès et s’installer dans la salle pour
regarder cinq courts métrages en compétition. C'est juste avant de visionner
ces films que passe la bande-annonce. On découvre alors la vidéo que l’on verra
tout au long du festival, et l’on ne se doute pas encore qu’on la connaîtra
bientôt par cœur. Lors de cette première projection donc, on découvre
l’ambiance dans laquelle on vivra durant les trois prochains jours, et lorsque
la bande-annonce commence, les spectateurs autour de nous applaudissent et
marquent le rythme de la bande-son que l’on avait déjà entendue dans Les Combattants. Dès la seconde
projection, on frappe à notre tour dans nos mains, dès la troisième, nous
crions, avec les 1000 personnes présentes dans la salle, le « Freedom!»
crié par un personnage à l'écran. L’euphorie est alors à son apogée : on
est là, plus que jamais cinéphile, prêt à voir et à recevoir un chef d’œuvre
(ou un navet, ça arrive aussi).
Mais le festival
d’Angers, c’est aussi une multitude de rencontres. Avant chaque projection, quelqu’un
nous présente le film. Cela peut être un des organisateurs du festival,
l’équipe de production ou encore les acteurs. Et c’est là que cela devient
intéressant. Car ce n’est pas tous les jours que l’on voit Michael Lonsdale
présenter Baisers Volés de François Truffaut,
premier grand rôle de ce grand acteur. Puis on aperçoit Vincent Lindon
aussi, ou encore Niels Schneider passer
à seulement quelques centimètres, parler, on le voit nous sourire. Voilà ce qui
rend l’instant inoubliable.
Et les films ? Ils
étaient comment, les films ? Les grands films, nouveaux ou bien plus
vieux, étaient au rendez-vous. On court dans toute la ville pour passer de Baisers Volés (de 1968) à Leviathan (2014), on arrive essoufflés et
le film nous coupe le souffle. Cette année, les acteurs et réalisateurs à
l'honneur étaient Milos Forman, Alain Cavalier et Michael Lonsdale, tandis que les
programmations thématiques portaient sur les migrants aujourd’hui, les rebelles
et l'Islande. Certains de ces films étaient très agréables, légers comme Baden Baden de Rachel Lang, en
compétition, dont la sortie est pour mars 2016 (Allez le voir !), film
français plus abordable que Adieu au
langage de Godard, mais pas débile comme Aladin d'Arthur Benzaquen. Ou encore Back
Soon de Solveig Anspach (2007) qui entre dans le thème de l’Islande. Dans
notre groupe, les avis sur ce film étaient partagés, mais il reste, pour
beaucoup d'entre nous, un hymne à la vie ! Ou alors Kumiko : The treasure hunter, de David Zellner, un film
complètement fou, ou le monde onirique et le monde réel ne font qu’un. On a
l’impression que le réalisateur voulait créer un monde de rêve complètement
différent du monde diurne, dans lequel vivait l’héroïne Kumiko, tout en
laissant, pour dérouter le spectateur, des éléments du monde réel. Cela étant,
il y a d’autres films dont on sort le visage grave et l’esprit bouillant de
réflexions. C’est le cas, par exemple, pour Vol
au dessus d’un nid de coucou (de 1975) de Milos Forman avec Jack Nicholson
interné dans un asile. Ce film métaphorise très bien les régimes politiques de
l’époque mais nous fait aussi bien réfléchir sur notre société actuelle. Il y a
aussi, dans la catégorie Rebelles, Leviathan
d’Andrey Zvyagintsev qui dépeint une Russie attardée et corrompue. Enfin, on se
rend compte à quel point, nous, petits lycéens parisiens, avons de la chance,
lorsqu’on voit Hope, un film de Boris
Lojkine qui retrace la traversée de l’Afrique par un couple qui espère accéder à
l'Europe. Ils rencontrent les dures règles des migrants, micro-communautés autoritaires qui se forment dans chaque lieu où ils
passent.
Il y a bien un film que
personne n’a aimé : Diamant Noir
d’Arthur Harari (sortie pour cet été). Ce réalisateur, en fait, accomplit
l’impossible : il a réussi à faire passer dans un festival une création à l'esthétique
de type « téléfilm nul du samedi soir ». Il a surtout réussi à rendre
laid Niels Schneider, qui aurait mieux fait de rester avec Xavier Dolan. Plus
de boucles blondes rebelles sur sa frimousse, mais des cheveux noirs, plaqués
en arrière, bref, il a perdu tout son charme (Ayant vu l’individu à la
projection, je peux vous rassurer, il a tout de même récupéré sa beauté, fidèle
à lui-même.).
Mais quel que fût le
film, nous en sortions toujours plus grands, plus curieux, plus heureux. Cette
sensation, ce sentiment de bien-être, cet état d’esprit si particulier, on ne
pourra jamais le retrouver, on essaie de le raviver à chaque fois que l’on
revoit une personne de notre groupe : « Te souviens-tu de cela ?
J’ai écouté la bande-son de tel film ! Et puis j’ai revu environ 10 fois
sur youtube la bande-annonce du festival. Maintenant, quand je suis au cinéma
et que le film se termine, je veux applaudir comme au festival, pas toi ? »
Mais tout cela est bien vain : Angers, c’est beau, c’est éphémère, puis c’est
fini. Mais jamais on n’oubliera cette expérience, c’est comme si quelque chose
à l’intérieur de nous s’était ancré, et rien ne pourra le retirer.
Solène Colin
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